Dès 2021, le gouvernement prévoit une expérimentation dans 3 académies (Lille, Marseille et Nantes) visant le remplacement des Réseaux d’Education Prioritaire par des contrats entre les rectorats et les établissements et dès 2022, la carte des REP pourrait disparaitre.
Une rupture annoncée
Loin de répondre aux demandes de plus de moyens consacrés à l’éducation prioritaire, ces annonces remettent en cause 40 ans de politique nationale priorisant les ghettos urbains. Les effets de seuil ou les disparités entre les territoires urbains et ruraux sont utilisés pour diluer les problématiques spécifiques de l’EP.
Sous couvert de prendre en compte « les écoles orphelines » et certains lycées, l’organisation en réseaux disparaîtrait au profit de contractualisations locales. Il s’agit là d’une rupture totale qui risque de mettre en concurrence les différents territoires au détriment de ceux fortement touchés par les inégalités. Sans compter que l’attribution de moyens de manière « progressive » sera conditionnée à des engagements de résultats. C’est une conception de l’éducation prioritaire qui renvoie à un pilotage par les évaluations et qui nous fait craindre un renforcement du contrôle des pratiques enseignantes.
Si l’on peut constater les limites du système, la suppression des REP, qui plus est pour des raisons avant tout budgétaires, inquiète la FSU.
La REP, un système limité
Si ce système vise à réduire les inégalités, il affiche des limites.
On constate, en premier lieu, que les écarts des résultats scolaires se creusent entre le hors éducation prioritaire et l’éducation prioritaire, d’une part, mais également entre les REP et les REP+.
Bon nombre d’établissements relevant de l’éducation prioritaire ne sont pas labellisés, en particulier les écoles dites orphelines et les lycées évincés de la carte depuis 2015.
Les critères pour la labellisation, pourcentage de professions et catégorie sociale, taux de boursiers, taux de retard à l’entrée en 6° et pourcentage d’élèves en zone urbaine, sont figés et parfois biaisés, peu transparents et sans concertation avec les écoles et les établissements.
Par ailleurs, l’enveloppe budgétaire est fermée et la baisse des moyens généralisée n’épargne pas l’éducation prioritaire.
Si le gouvernement affiche un pseudo volontarisme concernant l’éducation prioritaire, on constate que le dédoublement des classes dans le premier degré est accompagné d’injonctions sur les pratiques et entraine la suppression du dispositif « plus de maitres que de classes » ainsi que de postes dans le second degré.
Si des primes sont accordées en REP et REP+, certains personnels en sont exclus (AESH, AED, CPC…). De plus, aucune formation n’est prévue pour enseigner ou accompagner en EP.
En collège, le climat scolaire se dégrade avec des effectifs de plus en plus importants ce qui peut expliquer en partie le turn-over important dans ces établissements.
Malgré les besoins importants en EP, les équipes pluriprofessionnelles sont souvent incomplètes (Psy-ÉN, infirmièr·e·s, assistant·e·s de service social scolaires…).
Plutôt qu’une suppression des REP, la FSU revendique une évolution du système afin qu’il remplisse son objectif : la réussite de tous et en accordant une attention particulière là où les besoins sont les plus prégnants.
Quel.le.s enseignant.e.s ?
Les établissements en Éducation prioritaire accueillent relativement plus de jeunes enseignant·e·s que les autres établissements. De même, l’ancienneté dans une école ou établissement EP est moins élevée en EP, ce qui montre un turn-over plus important.
Lorsqu’ils et elles ont choisi de travailler en Éducation prioritaire, les enseignant·e·s sont motivé·e·s, enthousiastes et disposent de l’énergie nécessaire pour exercer dans des établissements où les conditions de travail sont plus difficiles qu’ailleurs, ce qui peut se révéler « usant ».
L’Éducation prioritaire a besoin de personnels formés. Formation initiale et formation continue, sacrifiées ces dernières années, doivent absolument être relancées.
Pour susciter le volontariat et favoriser la stabilité, plusieurs pistes sont possibles :
- les conditions de travail en baissant les effectifs.
- promouvoir une concertation libre.
- établir un climat de confiance en supprimant les dispositifs de mises en concurrence (primes modulables …), les hiérarchies intermédiaires, les évaluations des personnels sur lettre de mission.
- en finir avec les recrutements opaques(postes à profil, recrutement par les chefs d’établissement).
Collectif de travail
Dans une enquête menée par la FSU au printemps 2019, à la lecture des 2000 réponses, il est ressorti, entre autres, l’importance du travail en équipe auprès des collègues.
La tentation de l’harmonisation ?
Harmoniser des pratiques est une piste de travail collectif fréquemment proposée aux équipes.
Avoir des réponses identiques à certaines difficultés aiderait à les surmonter. Rituels d’entrée en classe, de mise au travail, exigences identiques sur le travail, mêmes réponses aux actes d’incivilités…
Cependant, l’harmonisation ne tient pas. Au fil des semaines, ce qui a été décidé n’est pas respecté… Cela devient source de tension et de culpabilisation. Mais au départ, il y a confusion entre réponse commune et réponse identique. Ces harmonisations ignorent le fait qu’une situation n’est jamais identique. Elles nient le réel. Elles ignorent aussi l’activité quotidienne réelle. Elles partent du postulat que rien n’est fait par la majorité des enseignant-es, passif-ives ou impuissant-es.
Travail collectif et collectifs de travail introuvables ?
Les enseignant-es peuvent être demandeur-euses, mais qu’en faire ? On reste sur un schéma construit par la hiérarchie et la formation et dans bien des établissements du secondaire, les collègues ne peuvent en concevoir d’autre.
Même dans le 1er degré, où le travail en équipe est plus ritualisé, des pressions récentes ont conduit les enseignant.es de REP et de REP+, particulièrement en CP et CE1, à adopter les mêmes outils (manuels) et les mêmes progressions, ce qui n’est pas la même chose que de réfléchir ensemble ou construire des outils ou des projets de manière collective…
Dans les établissements, le travail collectif, ce sont des réunions ! Projets qui ne recouvrent que peu l’activité en classe et viennent en surplus ; « harmonisations » ; gestion de crises ; mise en place technique des réformes. Ce collectif impulsé par l’administration n’apporte pas de ressources pour le quotidien de la classe.
Des expériences positives
Plus de maîtres que de classes
Dans le 1er degré, l’expérience des « Plus de maîtres que de classes » a été une réussite. Les enseignant·es concerné·e·s ont apprécié les effets de renforcement de leur professionnalité, par la dynamique des échanges pédagogiques que ce dispositif a généré.
Le ministre Blanquer ayant décidé unilatéralement de concentrer les moyens sur les dédoublements de classes, les PDMQDC ne sont plus qu’environ 500 à cette rentrée 2020.
Pondération
La pondération en REP+ est un levier important qui institutionnalise du temps pour les équipes. Il est important que ces temps de concertation ou de formation, restent à la main des équipes pour réfléchir et résoudre les problèmes pédagogiques et de vie scolaire des écoles et ne soient pas détournés par l’institution.
Pédagogie en éducation prioritaire
Tous les enseignant·e·s sont amené·e·s au fil du temps à changer ou adapter leur manière de travailler en classe, de préparer, d’évaluer, de gérer les relations avec les élèves…
Sans renversement, il s’agit d’une quantité de petits ajustements qui sont essayés, modifiés, abandonnés pour instaurer une ambiance de travail, maintenir le cap de la classe et des apprentissages, susciter des progrès…
A cela s’ajoute le travail hors la classe menée avec les familles et/ou avec les RASED ou les équipes pluriprofessionnelles.
En éducation prioritaire, devant les difficultés rencontrées, les collègues le font davantage dans une situation d’urgence et dans un environnement où des tensions de différentes natures existent.
Pis, ils sont souvent dépossédés de leur liberté pédagogique puisque la conception du travail en équipe par certains peut conduire à une uniformisation des pratiques.
De plus, le « surcoût » de l’éducation prioritaire se traduit en majorité par un sur-encadrement et son lot de contrôles et d’injonctions.
Pour quelle éducation prioritaire ?
Au sein de la FSU, nos revendications sont celles des collègues sur le terrain. Pour pouvoir construire ces revendications, nous avons donc besoin des retours de tous les personnels. Concernant l’éducation prioritaire, nous sommes nombreux à y enseigner, à y avoir enseigné, à y avoir réfléchi ou à avoir le souci de la réussite de tous les élèves : il est donc important de vous faire entendre pour éviter de subir le discours vertical et paternaliste du ministère. Le travail de sape entamé par le Ministre vise à nous préparer à des décisions qui voudraient nous réduire à de simples exécutants ou animateurs, essentiellement pour des raisons budgétaires.
Faites entendre votre voix pour que la FSU la porte auprès du ministère.
Voici un formulaire rapide afin de permettre d’apporter votre expérience, vos témoignages et vos ambitions pour l ‘éducation prioritaire.